Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/89

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quelques Russes élégants : c’est un petit jardin factice dans un coin du salon. Trois longues caisses à fleurs enserrent une fenêtre, et forment une salle de verdure (altana), espèce de kiosque qui rappelle ceux des jardins. Les caisses sont surmontées d’une palissade ou balustrade en bois des îles ou en bois doré, faisant barrière à hauteur d’homme. Ce petit boudoir découvert s’entoure de lierre et d’autres plantes grimpantes qui serpentent le long du treillage, et produisent un effet agréable au milieu d’un vaste appartement rempli de dorure et obstrué de meubles : ainsi, dans un salon brillant la vue est récréée par un peu verdure et de fraîcheur, choses de luxe pour ce pays. Là se tient la maîtresse de la maison, assise devant une table ; près d’elle on voit quelques chaises, deux ou trois personnes au plus peuvent entrer à la fois dans cette retraite peu profonde, mais pourtant assez secrète pour plaire à l’imagination.

L’effet de cette espèce de bosquet de chambre m’a paru agréable, et l’idée en est raisonnable dans un pays où le mystère doit présider à toute conversation intime. Je crois cet usage importé de l’Asie.

Je ne serais pas surpris si on introduisait un jour dans quelque maison de Paris le jardin artificiel des salons russes. Il ne déparerait pas la demeure des femmes d’État les plus à la mode en France aujourd’hui. Je me réjouirais de cette innovation, ne fût-ce