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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/88

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saleté domestique, un désordre naturel et profond qui rappelle l’Asie.

Le meuble dont on use le moins dans une maison russe, c’est le lit. Des femmes de service couchent dans des soupentes pareilles à celles des anciennes loges de portiers en France, tandis que les hommes se roulent sur l’escalier, dans les vestibules, et même, dit-on, dans le salon, sur des coussins qu’ils jettent à terre pour la nuit.

Ce matin j’ai fait une visite au prince***. C’est un grand seigneur ruiné, infirme, malade, hydropique ; il souffre au point de ne pouvoir se lever, et néanmoins il n’a pas de quoi se coucher, je veux dire qu’il n’a pas ce qu’on appelle un lit dans les pays où la civilisation date de loin. Il loge dans la maison de sa sœur, qui est absente. Seul, au fond de ce palais nu, il passe la nuit sur une banquette de bois, recouverte d’un tapis et de quelques oreillers. Ceci ne peut être attribué au goût particulier d’un homme : dans toutes les maisons russes où je suis entré, j’ai vu que le paravent est nécessaire au lit des Slaves, comme le musc l’est à leur personne : profonde malpropreté qui n’exclut pas toujours l’élégance apparente. Quelquefois on a un lit de parade, objet de luxe dont on fait montre par respect pour la mode européenne, mais dont on ne fait pas d’usage

Il y a un ornement particulier aux habitations de