Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 2, Amyot, 1846.djvu/99

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habiles recrutés chez toutes les nations du monde : ce n’était pas le peuple russe, celui-ci est narquois comme l’esclave qui se console de son joug en se moquant tout bas de ses oppresseurs ; superstitieux, fanfaron, brave et paresseux comme le soldat ; poétique, musical et réfléchi comme le berger ; car les habitudes des races nomades seront longtemps dominantes parmi les Slaves ; tout cela ne s’accorde ni avec le style des édifices ni avec le plan des rues de Pétersbourg ; il y a évidemment scission ici entre l’architecte et l’habitant. Les ingénieurs européens sont venus dire aux Moscovites comment ils devaient construire et orner une capitale digne de l’admiration de l’Europe, et ceux-ci, avec leur soumission militaire, ont cédé à la force du commandement. Pierre le Grand a bâti Pétersbourg contre les Suédois bien plus que pour les Russes ; mais le naturel du peuple s’est fait jour malgré son respect pour les caprices du maître, et malgré sa défiance de soi-même ; et c’est à cette désobéissance involontaire que la Russie doit son cachet d’originalité : rien n’a pu effacer le caractère primitif des habitants ; ce triomphe des facultés innées contre une éducation mal dirigée est un spectacle intéressant pour tout voyageur capable de l’apprécier.

Heureusement pour le peintre et pour le poëte que les Russes sont essentiellement religieux : leurs égli-