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LA RUSSIE
EN 1839
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LETTRE VINGT ET UNIÈME.


Pétersbourg, ce 2 août 1839, à minuit.

Je viens de jeter un dernier coup d’œil sur cette ville extraordinaire : j’ai dit adieu à Pétersbourg… Adieu !! c’est un mot magique !! il prête aux lieux comme aux personnes un attrait inconnu. Pourquoi Pétersbourg ne m’a-t-il jamais paru si beau que ce soir ? c’est que je le vois pour la dernière fois. L’âme riche d’illusions a donc le pouvoir de métamorphoser le monde dont la figure n’est jamais pour nous que le reflet de notre vie intérieure ? Ceux qui disent que rien n’existe hors de nous ont peut-être raison ; mais moi, philosophe sans le vouloir, métaphysicien sans autre mission que le laisser aller naturel de mon esprit, inclinant toujours vers les questions insolubles,