Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/390

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y a cent cinquante ans par Pierre Ier. La Russie ressentira les suites de l’orgueil de cet homme plus longtemps qu’elle n’admirera sa gloire ; je le trouve plus extraordinaire qu’héroïque, et c’est ce que beaucoup de bons esprits reconnaissent déjà sans oser l’avouer tout haut.

Si le Czar Pierre, au lieu de s’amuser à habiller des ours en singes, si Catherine II, au lieu de faire de la philosophie de boudoir, si tous les souverains de la Russie enfin eussent voulu civiliser leur nation par elle-même, en cultivant lentement les admirables germes que Dieu avait déposés dans le cœur de ces peuples, les derniers venus de l’Asie, ils auraient moins ébloui l’Europe, mais ils eussent acquis une gloire plus durable et plus universelle, et nous verrions aujourd’hui cette nation continuer sa tâche providentielle, c’est-à-dire la guerre aux vieux gouvernements de l’Asie. La Turquie d’Europe elle-même subirait cette influence sans que les autres États pussent se plaindre de l’accroissement d’un pouvoir, réellement bienfaisant ; au lieu de cette force irrésistible, la Russie n’a aujourd’hui chez nous que la puissance que nous lui accordons, c’est-à-dire celle d’un parvenu plus ou moins habile à faire oublier son origine, sa fortune, et valoir son crédit apparent. La souveraineté sur des peuples plus barbares et plus esclaves qu’elle-même lui est due, elle est