Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/45

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tude, brisés dans l’orgueil de leur malheur qui n’a plus même de spectateurs, punis dans leurs enfants, dont l’innocence ne sert que d’aggravation au supplice des parents : ces martyrs d’une politique féroce ne savent plus comment vivre eux et leur famille. Ces petits forçats de naissance, ces parias impériaux ont beau porter des numéros en guise de noms, s’ils n’ont plus de patrie, plus de place dans l’État, la nature leur a donné des corps qu’il faut nourrir et vêtir : une mère, quelque dignité, quelque élévation d’âme qu’elle ait, verra-t-elle périr le fruit de ses entrailles sans demander grâce ? non ; elle s’humilie ;… et cette fois ce n’est pas par vertu chrétienne ; la femme forte est vaincue par l’épouse au désespoir ; prier Dieu ne suffit que pour le salut éternel, elle prie l’homme pour du pain… que Dieu lui pardonne !… elle voit ses enfants malades sans pouvoir les secourir, sans avoir aucun remède à leur administrer pour les soulager, pour les guérir, pour leur sauver la vie qu’ils vont perdre peut-être… Aux mines, on pouvait encore les faire soigner ; dans leur nouvel exil ils manquent de tout. Dans ce dénûment extrême, elle ne voit plus que leur misère ; le père, le cœur flétri par tant de malheur, la laisse agir selon son inspiration, bref, pardonnant… (demander grâce, c’est pardonner…), pardonnant avec une générosité héroïque à la cruauté d’un premier refus,