Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/50

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l’Empereur Nicolas est enfin jugé… C’est un homme de caractère et de volonté ; il en faut pour se constituer le geôlier d’un tiers du globe ; mais il manque de magnanimité : l’usage qu’il fait de son pouvoir ne me le prouve que trop. Que Dieu lui pardonne ; je ne le verrai plus, heureusement ! Je lui dirais ce que je pense de cette histoire et ce serait le dernier degré de l’insolence… D’ailleurs, par cette audace gratuite, je porterais le coup de grâce aux infortunés dont j’aurais pris la défense sans mission, et je me perdrais moi-même[1].

Quel cœur ne saignerait à l’idée du supplice volontaire de cette malheureuse mère ? Mon Dieu ! si c’est là ce que vous destinez sur la terre à la vertu la plus sublime, montrez-lui donc votre ciel, ouvrez-le pour elle avant l’heure de la mort !… Se figure-t-on ce que doit éprouver cette femme quand elle jette les yeux sur ses enfants, et qu’aidée de son mari, elle tâche de suppléer à l’éducation qui leur manque ? l’éducation… c’est du poison pour ces brutes numérotées ! et cependant des gens du monde, des personnes élevées comme nous, peuvent-elles se résigner à n’enseigner à leurs enfants que ce qu’ils doivent.

  1. Je n’ai pas cette crainte en publiant mon voyage, car ayant écrit librement mon opinion sur toutes choses, je ne puis être soupçonné de parler, en cette circonstance, à la prière d’une famille ou d’une personne.