Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 3, Amyot, 1846.djvu/62

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résister au train des postillons et à la dureté du chemin. Les garde-fous des ponts sont en belles grilles de fer ornées d’écussons aux armes impériales, et les poteaux qui soutiennent ces élégantes balustrades sont des piliers de granit équarris avec luxe ; toutes ces choses ne font qu’apparaître aux yeux du voyageur abasourdi, le monde fuit derrière lui comme les rêves d’un malade.

Cette route, plus large que les routes d’Angleterre, est tout aussi unie quoique moins douce, et les chevaux qui vous traînent sont petits, mais pleins de nerf.

Mon feldjæger a des idées, une tenue, une figure qui ne me permettent pas d’oublier l’esprit qui règne dans son pays. En arrivant au second relais, un de nos quatre chevaux attelés de front manque des quatre pieds, et tombe sous la roue. Heureusement le cocher, sûr de ceux qui lui restent, les arrête sur place ; malgré la saison avancée, il fait encore dans le milieu du jour une chaleur brûlante, et la poussière rend l’air étouffant. Je pense que le cheval tombé vient d’être frappé d’un coup de soleil, et que si on ne le saigne à l’instant il va mourir ; j’appelle mon feldjæger, et, tirant de ma poche un étui contenant une flamme de vétérinaire, je la lui offre en lui disant d’en faire usage tout de suite, s’il veut sauver la pauvre bête. Il me répond avec un flegme malicieux,