Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/133

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nelée de la forteresse, nous aperçûmes, dans un endroit où la rue s’enfonce et se resserre, entre la jetée de la rivière et les substructions de la côte, un café, le dernier de la ville vers le Volga. Les abords de ce café sont obstrués par un marché public, espèce de petite halle couverte, d’où s’exhalent des odeurs qui ne sont rien moins que des parfums. Là je me fis descendre de voiture et conduire à ce café, lequel ne consiste pas en une seule salle, mais en une espèce de marché qui occupe toute une suite d’appartements. Le maître m’en fit les honneurs en m’escortant poliment à travers la foule bruyante qui remplissait cette longue enfilade de chambres ; parvenu avec moi à la dernière de ces salles, obstruée comme toutes les autres de tables où des buveurs en pelisses prenaient du thé et des liqueurs, il me prouva qu’il n’avait pas une seule chambre qui fût libre.

« Cette salle fait le coin de votre maison, lui dis je ; a-t-elle une sortie particulière ?

– Oui.

– Eh bien, condamnez la porte qui la sépare des autres salles de votre café, et donnez-la-moi pour chambre à coucher. »

L’air que j’y respirais me suffoquait déjà ; c’était un mélange infect d’émanations les plus diverses : la graisse des fourrures de mouton, le musc des peaux préparées, qu’on appelle cuir de Russie, le suif des