Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/161

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ils ne peuvent plus les tromper. Ils ne surfont pas, comme on dit en langage de boutique ; ils rabattent encore moins, mais ils demandent imperturbablement trop cher ; leur probité consiste à ne se départir jamais de leurs prétentions les plus exagérées.

Je n’ai trouvé à Nijni aucune étoffe de soie de l’Asie, si ce n’est quelques rouleaux de vilain satin de la Chine, d’une couleur fausse, d’un tissu peu épais, et fripé comme une vieille soierie. J’en avais vu de plus beau en Hollande ; et ces rouleaux se vendent ici plus cher que les plus belles étoffes de Lyon.

Sous le rapport financier, l’importance de cette foire croît tous les ans ; mais l’intérêt qui s’attachait à la singularité des marchandises, à la figure étrange des hommes, diminue. En général, il faut le répéter, la foire de Nijni trompe l’attente des curieux sous le rapport pittoresque et amusant ; tout est morne et roide en Russie ; les esprits mêmes y sont tirés au cordeau, excepté le jour où ils envoient tout promener. Dans ces moments, l’instinct de la liberté, si longtemps comprimé, fait explosion ; alors les paysans mettent leur seigneur à la broche et le font rôtir à petit feu, ou le seigneur épouse une esclave ; c’est la fin du monde ; mais ces rares bouleversements produisent peu d’effet au loin, personne n’en parle ; les distances et l’action de la police permettent que les