Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/20

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Polonais. « Quel intérêt les Polonais ont-ils à brûler la Russie ? dis-je à la personne qui me racontait le fait. — Aucun, me répondit-elle, si ce n’est qu’ils espèrent attirer contre eux-mêmes la colère du gouvernement russe ; tout ce qu’ils craignent, c’est qu’on les laisse en paix. — Vous me rappelez, m’écriai-je, les bandes d’incendiaires qui, au commencement de notre première révolution, accusaient les aristocrates de brûler leurs propres châteaux. — Vous n’en croyez pas ma parole, répliqua le Russe ; cependant j’observe de près les choses, et je sais par expérience que chaque fois que les Polonais voient l’Empereur pencher vers la clémence, ils forment de nouveaux complots ; ils envoient chez nous des émissaires déguisés, et simulent des conspirations à défaut de crimes réels ; le tout uniquement pour attiser la haine des Russes, et pour provoquer de nouvelles condamnations contre eux et leurs concitoyens ; en un mot, ils ne redoutent rien tant que le pardon, parce que la douceur du gouvernement russe changerait le cœur de leurs paysans, qui finiraient par aimer l’ennemi, s’ils en recevaient des bienfaits. — Ceci me paraît du machiavélisme héroïque, répliquai-je ; mais je n’y crois pas. D’ailleurs, que ne leur pardonnez-vous, pour les punir ? vous seriez en même temps plus adroits et plus grands qu’eux. Mais vous les haïssez ; et je crois bien plutôt que les Russes, pour justifier