Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/21

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leur rancune, accusent la victime, et cherchent, dans tout ce qui arrive de malheureux chez eux, quelque prétexte pour appesantir leur joug sur des adversaires dont l’ancienne gloire est un crime irrémissible ; d’au tant qu’il faut en convenir, la gloire polonaise n’était pas modeste. — Non plus que la gloire française, reprit malignement mon ami… (je le connaissais de Paris) ; mais vous jugez mal notre politique, parce que vous ne connaissez ni les Russes ni les Polonais. — Refrain ordinaire de vos compatriotes lorsqu’on ose leur dire des vérités déplaisantes ; les Polonais sont faciles à connaître, ils parlent toujours, je me fie aux bavards qui disent tout, plus qu’aux hommes taciturnes qui ne disent que ce qu’on ne se soucie pas de savoir. — Il faut pourtant que vous ayez bien de la confiance en moi. — En vous personnellement, oui ; mais quand je me souviens que vous êtes Russe, j’ai beau vous connaître depuis dix ans, je me reproche mon imprudence, c’est-à-dire ma franchise. — Je prévois que vous nous arrangerez mal, à votre retour chez vous. Si j’écrivais, peut-être ; mais, comme vous le dites, je ne connais pas les Russes, et je me garderai de parler au hasard de cette impénétrable nation. — C’est ce que vous pouvez faire de mieux. — À la bonne heure ; mais n’oubliez pas qu’une fois connus pour être dissimulés, les hommes les plus réservés sont appréciés comme s’ils étaient