Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/22

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démasqués. — Vous êtes trop satirique et trop pénétrant pour des barbares tels que nous. » Là-dessus mon ancien ami remonte en voiture et part au galop, et moi je retourne à ma chambre pour vous transcrire notre dialogue. Je cache mes nouvelles lettres parmi des papiers d’emballage ; car j’ai toujours peur de quelque perquisition secrète ou même à force ouverte pour découvrir le fond de mes pensées ; mais je me figure que ne trouvant rien dans mon écritoire ni dans mon portefeuille, on se tranquilliserait. Je vous ai dit ailleurs le soin que je prends pour éloigner le feldjæger lorsque je veux écrire ; de plus, j’ai établi qu’il n’entre jamais dans ma chambre sans m’en faire demander la permission par Antonio. Un Italien peut lutter de finesse avec un Russe. Celui-ci est depuis quinze ans auprès de moi comme valet de chambre ; il a la tête politique des Romains modernes, et le noble cœur des anciens. Je ne me serais pas hasardé dans ce pays avec un domestique ordinaire, ou je me serais abstenu d’écrire ; mais Antonio contre-minant l’espionnage du feldjæger m’assure quelque liberté.