Aller au contenu

Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/298

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

un penchant inhérent au caractère national : ce n’est pas toujours par faiblesse qu’on ment, on ment quelquefois parce qu’on a reçu de la nature le don de bien mentir : c’est un talent, et tout talent veut s’exercer.

Quand nous montâmes en voiture pour retourner à Saint-Pétersbourg, il faisait nuit et froid. La longueur de la route fut diminuée par une conversation charmante dont j’ai retenu l’anecdote que voici. Elle sert à prouver jusqu’où s’étend la puissance de création d’un souverain absolu. Jusque-là, j’avais vu le despotisme russe exercer son action sur les morts, sur les églises, sur les faits de l’histoire, sur les condamnés, sur les prisonniers, enfin, sur tout ce qui ne peut prendre la parole pour protester contre un abus de pouvoir : cette fois nous verrons un Empereur de Russie imposer à l’une des plus illustres familles de France une parenté dont elle ne se doutait ni ne se souciait.

Sous le règne de Paul Ier, un Français du nom de Laval, d’autres disent Lovel, se trouvait à Pétersbourg ; il était agréable de sa personne, il était jeune : il plut à une demoiselle fort riche dont il devint amoureux : la famille de cette jeune personne était alors assez puissante et assez distinguée ; aussi s’opposa-t-elle au mariage par la raison que l’étranger n’avait ni nom ni fortune. Les deux amants, réduits au désespoir, eurent recours à un moyen de roman. Ils