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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/313

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idées nouvelles vers une liberté désordonnée. C’est pourtant en Prusse qu’on est ; mais sortir de la Russie c’est retrouver des maisons dont le plan n’a pas été commandé à un esclave par un maître inflexible, maisons pauvres encore, mais librement bâties ; c’est voir une campagne gaie et librement cultivée (n’oubliez pas que c’est de la Prusse ducale que je parle). et ce changement épanouit le cœur. En Russie l’absence de la liberté se ressent dans les pierres toutes taillées à angles droits, dans les poutres toutes équarries régulièrement, comme elle se ressent dans les hommes….. Enfin je respire !… je puis vous écrire sans les précautions oratoires commandées par la police : précautions presque toujours insuffisantes, car il y a autant de susceptibilité d’amour-propre que de prudence politique dans l’espionnage des Russes. La Russie est le pays le plus triste de la terre habité par les plus beaux hommes que j’aie vus ; un pays où l’on aperçoit à peine les femmes ne peut être gai….. Enfin m’en voici dehors, et sans le moindre accident ! Je viens de faire deux cent cinquante lieues en quatre jours, par des chemins souvent détestables, souvent magnifiques, car l’esprit russe, tout ami qu’il est de l’uniformité, ne peut atteindre à l’ordre véritable ; le caractère de cette administration, c’est le tatillonnage, la négligence et la corruption. On est révolté à l’idée de s’habituer à tout cela, et pourtant on s’y