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Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/314

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habitue. Un homme sincère dans ce pays-là passerait pour fou.

À présent, je vais me reposer en voyageant à loisir. J’ai deux cents lieues à faire d’ici à Berlin ; mais des lits où l’on peut coucher et de bonnes auberges partout, une grande route douce et régulière rendent ce voyage une vraie promenade.

La propreté des lits, des chambres, l’ordre des ménages dirigés par des femmes, tout me semblait charmant et nouveau….. J’étais surtout frappé de l’air de liberté des paysans et de la gaieté des paysannes : leur bonne humeur me causait presque de l’effroi : c’était une indépendance dont je craignais pour eux les conséquences ; j’en avais perdu le souvenir. On voit là des villes qui sont nées spontanément, on reconnaît qu’elles étaient bâties avant qu’aucun gouvernement en eût fait le plan. Assurément, la Prusse ne passe pas pour le pays de la licence, eh bien, en traversant les rues de Tilsit et plus tard celles de Königsberg, je croyais assister au carnaval de Venise. Je me suis souvenu alors qu’un Allemand de ma connaissance, après avoir passé, pour ses affaires, plusieurs années en Russie, parvint enfin à quitter ce pays pour toujours ; il était dans la compagnie d’un de ses amis ; à peine eurent-ils mis le pied sur le bâtiment anglais qui venait de lever l’ancre, qu’on les vit tomber