Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/130

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chefs du gouvernement étaient trop éclairés pour en avoir besoin : le projet fut rejeté, et l'Héritier dispensé de donner trop d'éclat à sa munificence.

C'était à force de privations qu'il se ménageait ces moyens d'instruire et de servir le public. Ses ouvrages étaient superbes ; mais sa table était frugale et ses habits simples. Il dépensait vingt mille francs par an pour la botanique, et il allait à pied. Cette distribution de son revenu était nommée par les gens du monde folle prodigalité, et excitait les plaintes continuelles d'une partie de ses proches. S'il l'eût dépensé avec de faux amis ou de bas flatteurs, ou seulement dans de vains plaisirs, tous l'eussent appelé un homme aimable ; peut-être même ne lui eussent-ils pas refusé le titre de sage père de famille.

Au reste, il savait le cas qu'il devait faire de ces clameurs. Un négociant de ses parents, dont il héritait, craignant apparemment que les épargnes qu'il laissait ne servissent après lui à l'accroissement des sciences, ordonna, par son testament, que son argent comptant serait employé en acquisitions de biens-fonds. L'Héritier obéit ; mais le fonds qu'il acheta fut une maison écartée, avec un grand terrain qu'il destina à la botanique.

Je vous ai peint jusqu'ici le savant ; je voudrais bien peindre aussi le magistrat; mais, accoutumés que nous sommes aux habitudes des gens de lettres, hommes pour qui le fond des choses est tout, et qui ne s'occupent peut-être point assez de ces formes extérieures si influentes sur le vulgaire, ce n'est qu'avec un respect timide que