séjour qu'il reçut une lettre de crédit allant à peine au tiers de ce qu'il lui fallait ; encore, au moment où il allait l'employer, son banquier reçut-il ordre de la réduire à moitié, de sorte qu'il ne put disposer que d'une misérable somme de trente mille francs pour une opération où il aurait fallu prodiguer des millions. Soit impuissance ou négligence de la part des chefs, soit infidélité de la part des agents, toutes ses sollicitations, toutes celle de ses amis de France, furent impitoyablement éconduites pendant plus d'une année. Il fut obligé d'engager son propre patrimoine pour acquitter des dettes d'autant plus sacrées à ses yeux qu'elles intéressaient l'honneur de sa patrie, et ce ne fut qu'avec peine qu'il obtint le supplément nécessaire pour se tirer des cruels embarras où l'avait mis sa confiance en ceux qui l'envoyaient.
On conçoit quels chagrins devaient l'accabler. Il se flattait, en partant, d'avoir tout fait en trois mois ; il attachait à ce travail la gloire de toute sa vie, et après deux ans de traverses, de fatigues incroyables, de contrariétés de tout genre et même d'humiliations, le troupeau qu'il était parvenu à rassembler était à peine le tiers de ce qu'il aurait dû être.
Ces chagrins achevèrent ce que les fatigues avaient commencé. On sait combien les voyages sont pénibles en Espagne, pays sans grandes routes, sans auberges, sans aucun secours pour les étrangers. Mais les désagréments des provinces fréquentées ne sont rien en comparaison de ceux que Gilbert éprouva dans les