Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/298

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est le mieux récompensé, parce qu'il est le moyen le plus naturel d'attirer l'attention et de se concilier la confiance du public. Les succès de M. Lassus dans sa chaire lui en procurèrent donc bientôt à la ville, et sa réputation à la ville ne tarda pas à le faire rappeler à la cour. Le premier chirurgien, la Martinière, le fit nommer en 1771, chirurgien ordinaire de Mesdames Victoire et Sophie de France, filles de Louis XV.

C'était un bonheur pour un homme jeune et encore sans fortune, qu'une place qui lui laissait le loisir d'étudier, en lui évitant les fatigues et la perte de temps, suites inévitables d'une pratique trop étendue ; mais ce pouvait être pour lui une tentation de négliger cette portion de pratique indispensable à quiconque veut exercer l'art avec succès. M. Lassus eut un instant la faiblesse de trop préférer les livres aux malades, et pensa en être cruellement puni.

Appelé pour saigner Madame Victoire, il la piqua deux fois, et, soit émotion de la part de la princesse, soit défaut d'habitude de la part du chirurgien, le sang ne jaillit point. Ce petit événement causa une rumeur générale : une princesse piquée deux fois et qui n'a pas saigné ! quel accident effroyable ! disaient les courtisans. Et les médecins de cour de remuer la tête d'un air mystérieux, mais significatif. Peu s'en fallut que le pauvre Lassus ne fût honteusement chassé.

Par bonheur pour lui Madame Victoire fut plus sage et plus généreuse que ceux qui l'entouraient : elle se souvint de cette dame du temps de Louis XIV, qui, blessée à mort par son chirurgien, lui légua une pen -