Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/324

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présentés à nous : parmi eux brillaient d'un éclat plus vif les heureux génies qui ont ouvert aux sciences, dans ces derniers temps ; des carrières si nouvelles et si vastes, ou les écrivains dont le talent aimable a su en répandre et en faire goûter la lumière. C'étaient les Lavoisier, les Bailly, les Condorcet, qui semblaient réclamer plus impérieusement nos hommages ; mais c'étaient eux aussi dont la vie agitée, dont la fin malheureuse aurait plus vivement rappelé des souvenirs encore trop douloureux. Pour expier les crimes de ces temps désastreux, il aurait fallu les redire, et nous l'avouons, nous ne nous en sommes pas encore senti le courage.

Pardonnez donc, ombres illustres, si nous présentons d'abord à la reconnaissance publique ceux de vos émules qui, plus prudents ou plus heureux, se sont tenus à l'abri des tempêtes dont vous avez été les victimes. Aussi bien, chaque jour accélère le moment où nous pourrons pleinement acquitter un devoir sacré. La main qui a réparé nos maux, en adoucit peu à peu le souvenir ; elle en fait pour ainsi dire rétrograder l'époque : bientôt nous ne serons plus les contemporains de vos bourreaux, et nous pourrons en parler comme en parlera l'histoire.

Je tracerai aujourd'hui la vie de deux hommes célèbres, étroitement liés par le sang, plus encore par leur genre de vie et par la ressemblance de leurs travaux ; qui, dans un pays trouvé longtemps avant le nôtre, surent se faire respecter de tous les partis par l'étude des sciences et par la pratique des vertus paisibles. Charles Bonnet et Horace-Bénédict de Saussure, deux hommes