Ces recherches sur les feuilles occupèrent Bonnet pendant douze ans : elles forment son plus beau titre de gloire, par la logique sévère, par la sagacité délicate qui y brillent, et par la solidité de leurs résultats.
Que de secrets aurait pu révéler encore, après un tel début, un esprit de cette trempe, si la nature lui eût laissé les forces physiques nécessaires pour l'observation ? Mais ses yeux, affaiblis par l'usage du microscope, lui refusèrent leur secours, et son esprit, trop actif pour supporter un repos absolu, se jeta dans le champ de la philosophie spéculative. Dès lors ses ouvrages prirent un autre caractère, et il n'y traita plus que ces questions générales agitées par les hommes depuis qu'ils ont le loisir de se livrer à la méditation, et qui les occuperont probablement encore aussi longtemps que le monde subsistera.
On reconnaît cependant toujours dans ces écrits de son second âge, aux faits dont ils sont nourris partout, au soin avec lequel il évite de se perdre dans les systèmes fondés sur l'abus des termes abstraits, le philosophe entré dans la métaphysique par le chemin de l'observation. Le choix qu'il fit de Malebranche et de Leibnitz pour ses guides, et le choix plus particulier qu'il fit entre leurs idées, rappelèrent toujours ses premiers goûts.
Mais ce qui les marqua le mieux, ce furent ces hypothèses physiques qu'il ajoutait toujours quand il avait épuisé le champ de l'observation, et par lesquelles il semblait encore vouloir offrir à l'esprit des objets