Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/338

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porel à l'être intelligent. Mais, habitué, comme il l'était par son système des germes, à supposer des infiniment petits du millième ordre en organisation, il ne lui était pas difficile de faire survivre cet organe au corps visible et terrestre. Il se rend compte des phénomènes de l'association, à la manière d'Hartley, en admettant entre les molécules du cerveau une excitation mutuelle, comparable au pouvoir des cordes, tendues à l'unisson, de se faire vibrer l'une l'autre. Il n'admet de la part de l'âme aucune action sans motif, comme, dit-il, nous ne voyons dans la nature aucun effet sans cause ; et la liberté n'est selon lui que le pouvoir de suivre sans contrainte les motifs dont on éprouve l'impulsion. Avec cette définition il défend aisément, comme on peut le croire, la liberté morale contre les objections que l'on tire de la prévision de Dieu. Mais ne détournerait-il pas aussi le mot de liberté de son acception naturelle ?

Il faut convenir, en effet, que les idées de Bonnet sur les organes nécessaires à l'intelligence, et sur les motifs nécessaires à l'action, ressemblent singulièrement à celles que Priestley emploie pour soutenir ce qu'il appelle, sans réserve et sans hésitation, matérialisme et nécessité ; et cependant Priestley et Bonnet furent tous les deux animés d'un sentiment religieux très-vif : tant il est vrai que certains esprits peuvent allier les opinions en apparence les plus opposées. Bonnet en particulier avait trouvé dans ses études en histoire naturelle des preuves trop multipliées de l'action d'une sagesse ordonnatrice, pour