Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/92

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précoce à ses recherches furent pour lui un amusement plutôt qu'un travail. Une partie de son temps était employée à lire avec sa femme des romans, des contes, et d'autres ouvrages légers ; les plus frivoles productions de nos jours ont été lues par lui : il appelait cela mettre son esprit à la diète.

Sans doute que cette égalité de régime, cette constance de santé contribuaient beaucoup à cette aménité qui rendait sa société si aimable ; mais un autre trait de son caractère qui n'y contribuait pas moins, et qui frappait tous ceux qui approchaient de lui, c'est la bonne opinion qu'il paraissait avoir des hommes.

Elle semblait naturellement venir de ce qu'il les avait peu vus, de ce que, uniquement occupé de la contemplation de la nature, il devait jamais pris de part aux mouvements de la partie de la société. Mais elle allait quelquefois à un point étonnant. Cet homme, d'un tact si délicat pour distinguer l'erreur, n'avait jamais l'air de soupçonner le mensonge ; il éprouvait toujours une nouvelle surprise lorsqu’on lui dévoilait l'intrigue ou l'intérêt cachés sous de beaux dehors. Que cette ignorance fût naturelle en lui, ou qu'il eût renoncé volontairement à connaître les hommes, pour s'épargner les peines qui affectent ceux qui les connaissent trop, cette disposition n'en répandait pas moins sur sa conversation un ton de bonhomie d'autant plus aimable, qu'il contrastait davantage avec l'esprit et la finesse qu'il portait dans tout ce qui n'était que raisonnement : aussi suffisait-il de l'approcher pour l'aimer ; et jamais homme n'a reçu de témoignages plus nom-