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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/101

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de changer d’eſpece pour avoir frappé ſur un Serpent. La Sageſſe de Dieu, qui d’ordinaire agit par progrez, & monte par degré les choſes les moins nobles aux plus hautes, a bien fait voir la preéminence que les Femmes ont au deſſus des Hommes, quand elle n’a pas voulu faire Eve qu’elle n’eût fait Adam auparavant. Auſſi eſt-ce une marque évidente de l’eſtime que la Nature a toûjours faite des Femmes, de dire qu’elle les a choiſies pour nous porter, ne s’eſtant pas voulu fier de noſtre jeuneſſe à nous meſme ; mais la Nature auſſi nous fait connoiſtre au partage de ſes biens, qu’elle a voulu avantager la cadette au prejudice de l’aînée, luy donnant la beauté, dont chaque trait eſt une Armée qui va quand il luy plaiſt, bouleverſer des Trônes, déchirer des Diadémes, & traîner en ſervitude les orgueilleuſes Puiſſances de la Terre. Que ſi comme nous elles ne vaquent pas a maſſacrer des hommes, ſi elles ont horreur de porter au coſté ce qui nous fait deteſter un Bourreau ; c’eſt à cauſe qu’il ſeroit honteux que celles qui nous donnent à la lumière, portaſſent dequoy nous la ravir ; & parce auſſi qu’il eſt beaucoup plus honneſte de ſuer à la conſtruction, qu’à la deſtruction de ſon eſpece : Donc en