Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/106

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faire : Vrayment vous auriez grand tort de m’appeller maintenant le premier des hommes ; car je vous proteſte qu’il y a plus d’un mois que je ſuis le ſecond de tout le monde : Il faut bien que voſtre départ ayant deſerté Paris, l’herbe ait crû par toutes les ruës, puis qu’en quelque lieu que j’aille je me trouve toûjours ſur le Pré. Cependant ce n’eſt pas ſans riſque ; Mon Portrait que vous fiſtes faire a eſté trouvé ſi beau, qu’il a pris poſſible envie à la Mort d’en avoir l’Original ; Elle me fait à ce deſſein mille querelles d’Allemand. Je m’imagine quelquefois eſtre devenu Porc-épic, voyant que perſonne ne m’approche ſans ſe piquer ; & l’on n’ignore plus, quand quelqu’un dit à ſon ennemy, qu’il s’aille faire piquer, que ce ne ſoit de la beſogne que l’on me taille ? Ne voyez-vous pas auſſi qu’il y a maintenant plus d’ombre ſur noſtre Horiſon, qu’à voſtre départ ; c’eſt à cauſe que depuis ce temps-là ma main en a tellement peuplé l’Enfer, qu’elles regorgent ſur la Terre. À la verité, ce m’eſt une conſolation bien grande d’eſtre hay, parce que je ſuis aymé, de trouver par tout des ennemis, à cauſe que j’ay des amis par tout, & de voir que mon malheur vient de ma bonne fortune ; mais j’ay peur que cette