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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/111

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(comme vous ſçavez) l’honneur ſaly ne ſe lave qu’avec du ſang. Hier je fus apellé ſot, & l’on s’émancipa de me donner un ſoufflet en ma preſence : Il eſt vray que ce fut en une compagnie fort honorable. Certains ſtupides en matiere de démélez, diſent qu’il faut que je periſſe, ou que je me vange. Vous, Monſieur, dites-moy, vous, mon plus cher Amy, & que j’eſtime trop ſage pour m’exciter à aucune action cruelle ; Ne ſuis-je pas aſſez maltraitté de la langue, & de la main de ce Poltron, ſans irriter encore ſon épée ; car quoy que je ſois mary d’eſtre appellé ſot, je ſerois bien plus fâché qu’on me reprochât d’eſtre défunt. Si j’eſtois enfermé dans un ſepulchre, il pourroit à ſon aiſe, & en ſeureté, mal parler de mon courage. Ne ſeray-je donc pas mieux de demeurer au monde, afin d’eſtre toûjours preſent pour le châtier quand ſa temerité m’en donnera ſujet. Infailliblement ceux qui me conſeillent la tragedie, ne jugent pas que ſi j’en ſuis la caſtatrophe, il ſe moquera de ma valeur : Si je le tuë, on croira que je l’ay chaſſé du monde, parce que je n’oſois y demeurer tant qu’il y ſeroit ; Si je luy oſte la rapiere, on dira que j’apprehendois qu’il demeurât armé : Si nous demeurons égaux, à quoy bon ſe mettre au