Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/112

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hazard du plus grand de tous les malheurs, qui eſt la mort, pour ne rien décider : Et puis quand j’aurois lettre du Dieu Mars, de ſortir de ce combat à mon honneur, il pourroit au moins ſe vanter de m’avoir contraint à commettre une inſigne folie : Non, non, je ne déguaiſne point ; c’eſt craindre ſon ennemy de vouloir par le moyen de la mort, ou l’éloigner de ſoy, ou s’éloigner de luy : Pour moy je n’apprehende pas qu’il ſoit où je ſeray. Il tient à gloire de n’avoir jamais redouté les Parques ; s’il veut que je le croye, qu’il ſe tuë, j’iray conſulter tous les Sages pendant ſoixante ou quatre-vingts ans, pour ſçavoir s’il a bien fait ; & ſi l’on me répond qu’oüy alors je tâcheray d’en vivre encore autant pour faire le reſte de mes jours penitence de ma poltronnerie. Vous trouverez peut-eſtre ce procedé fort étrange dans un homme de cœur comme moy : Mais, Monſieur, à parler franc, je trouve que j’aime mieux me tenir à ma carte, que de mettre au hazard en les broüillant, d’en avoir une pire. Ce Monſieur le Matamore veut peut eſtre mourir bien-toſt, afin d’en eſtre quitte de bonne heure ; mais moy qui ſuis plus genereux, je tâche de vivre plus long-temps, an riſque d’eſtre long-temps en eſtat de