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CONTRE UN GROS HOMME.

ſouvienne de la Fable de Phaëton, où le Globe de la Terre parle, oüy le Globe de la Terre ; Et ſi la Terre eſt un Animal, vous voyant auſſi rond, & auſſi large qu’elle, je ſoûtiens que vous vous eſtes ſon mâle, & qu’elle a depuis peu accouché l’Amerique, dont vous l’aviez engroſſie. Hé bien, qu’en dites-vous, le Portrait eſt-il reſſemblant, pour n’y avoir donné qu’une touche ? par la deſcription de voſtre ſphere de chair, dont tous les membres ſont ſi ronds, que chacun fait un cercle, & par l’arondiſſement univerſel de voſtre épaiſſe maſſe, n’ay-je pas appris à nos Neveux que vous n’eſtiez point fourbe, puis que vous marchez rondement ? Pouvois-je mieux convaincre de menſonge ceux qui vous menacent de pauvreté, qu’en leur faiſant voir à l’œil que vous roulerez toujours ? Et enfin eſtoit-il poſſible d’enſeigner plus intelligiblement que vous eſtes un miracle, puis que voſtre gras embonpoint vous fait prendre par vos Spectateurs pour une Longe de Veau qui ſe promene ſur ſes lardons. Je me doute bien que vous m’objecterez qu’une Boule, qu’un Globe, ny qu’un morceau de chair, ne font pas des Ouvrages, & que la belle Sidon vous a fait triompher ſur les Théâtres de Veniſe : Mais entre vous & moy,