Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

eſtre incorporel, n’eſt pas en ſeureté contre ſa tyrannie ; mon ame a tellement reculé ſur elle-meſme, qu’en quelque endroit aujourd’huy que je me touche, il s’en faut plus de quatre doigts que je n’atteigne où je ſuis ; Je me taſte ſans me ſentir, & le fer auroit ouvert cent portes à ma vie, auparavant que de frapper à celle de la douleur : Enfin nous voila preſque paralytiques ; & cependant pour creuſer ſur nous une playe dans une bleſſure, Dieu n’a creé qu’un Baûme à noſtre mal, encore le Medecin qui le porte ne ſçauroit arriver chez nous, qu’apres avoir délogé de ſix maiſons. Ce pareſſeux eſt le Soleil, vous voyez comme il marche à petites journées, il ſe met en chemin à huit heures, & prend giſte à quatre. Je croy qu’à mon exemple il trouve qu’il fait trop froid pour ſe lever ſi matin ; mais Dieu veüille que ce ſoit ſeulement la pareſſe qui le retienne, & non pas le dépit ; car il me ſemble que depuis pluſieurs mois il nous regarde de travers. Pour moy, je n’en puis deviner la cauſe, ſi ce n’eſt qu’ayant veu la terre endurcie par la gelée, il n’oſe plus monter ſi haut de peur de bleſſer ſes rayons en les précipitant. Ainſi nous ne ſommes pas preſts de nous vanger des outrages que la Saiſon nous fait ; il ne ſert quaſi rien au feu de s’é-