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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/19

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chauffer contre’elle, ſa rage n’aboutit (apres avoir bien petillé) qu’à le contraindre à ſe devorer ſoy-meſme plus viſte. Nous avons beau prendre le Bouclier, l’Hyver eſt une mort de ſix mois répanduë ſur tout un coſté de cette boule, que nous ne ſçaurions éviter ; c’eſt une courte vieilleſſe de choſes animées, c’eſt un eſtre qui n’a point d’action, & qui cependant (tous braves que nous ſoyons) ne nous approche jamais ſans nous faire trembler. Noſtre corps poreux, delicat, étendu, ſe ramaſſe, s’endurcit, & s’empreſſe à fermer ſes avenuës, à barricader un million d’inviſibles portes, & à les couvrir de petites montagnes ; Il ſe meut, s’agite, ſe debat, & dit pour excuſe en rougiſſant, que ces fremiſſemens ſont des ſorties qu’il fait à deſſein de repouſſer l’ennemy qui gagne ſes dehors. Enfin ce n’eſt pas merveille que nous ſubiſſions le deſtin de tous les vivans ; mais le barbare ne s’eſt pas contenté d’avoir oſté la langue à nos Oyſeaux, d’avoir déshabillé nos Arbres , d’avoir coupé les cheveux à Cerés, & d’avoir mis noſtre Grand’ Mere toute nuë ; afin que nous ne pûſſions nous ſauver par eau dans un climat plus doux, il les a toutes renfermées ſous des murailles de diamant ; & de peur meſme que les rivieres n’excitaſſent par leur mou-