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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/22

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glaçons endurcis au feu : Oüy cet impitoyable m’a mis en ſi mauvaiſe humeur, que le hâle du mois d’Aouſt ne me purgera peut-eſtre pas du flegme de Janvier ; la moindre chaleur me fera dire que l’Hyver eſt le friſſon de la Nature, & que l’Eſté en eſt la fiévre ; car jugez ſi je me plains à tort, & ſi les morfondus malgré l’humeur liberale de cette Saiſon qui leur donne autant de perles que de roupies, ne me prendront pas pour un Hercule qui pourſuit ce Monſtre leur ennemy ? Quelles rigueurs n’exerce-t’il point en tous lieux ? Là ſous le Robinet d’une Fontaine, le gelé Porteur d’Eau contraint ſon cœur en ſoufflant de rendre à ſes mains la vie qu’il leur a dérobée ? Là contre le pavé le ſoulier du marcheur fait plus de bruit qu’a l’ordinaire, parce qu’il a des cloches aux pieds ? Là l’Eſcolier fripon, une pelote de neige entre les doigts, attend au paſſage ſon compagnon pour luy noyer le viſage dans un morceau de riviere ; enfin de quelque coſté que je me tourne, la gelée eſt ſi grande que tout ſe prend, juſques aux manteaux ; À dix heures du ſoir le Filou morfondu, ſous un auvant grelote, & ſe conſole lors qu’il regarde le premier paſſant, comme un Tailleur qui luy apporte ſon habit. Lors qu’il prendra fantaiſie à l’Hy-