Aller au contenu

Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/21

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de la Nature agoniſante. Moy-meſme qui n’explique gueres les choſes qu’en ma faveur, & qui dans une autre ſaiſon me ſerois perſuadé que la neige eſt le lait vegetatif que les Aſtres font teter aux Plantes, ou les miettes qui tombent aprés Graces de la Table des Dieux, me laiſſant emporter au torrent de l’exemple : S’il greſle, je m’écrie, quels maux nous ſont reſervez ! puis que le Ciel innocent eſt réduit à piſſer la gravelle. Si je veux définir ces vents glacez, tellement ſolides, qu’ils renverſent des tours, & tellement déliez qu’on ne les void point, je ne ſçaurois ſoupçonner ce que c’eſt, ſinon une broüine de Diables échappez, qui s’eſtans morfondus ſous terre, courent icy pour s’échauffer. Tout ce qui me repreſente l’Hyver me fait peur ; je ne ſçaurois ſupporter un miroir à cauſe de ſa glace ; je fuis les Medecins, parce qu’on les nomme des Medecins de neige ; & je puis convaincre le froid de quantité de meurtres, ſur ce que dans toutes les Maiſons de Paris on rencontre fort peu de gelée, qu’on n’y trouve un malade auprès. En verité, Monſieur, je ne penſe pas que la S. Jean me guariſſe entierement des maux de Noël, quand je ſonge qu’il me faudra voir encore aux feneſtres de grandes vitres qui ne ſeront autre choſe que des tapiſſeries de