Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/25

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tomne, elle s’eſtoit tellement endurcie contre nous avec les forces que luy preſta l’Hyver, que ſi le Ciel n’euſt pleuré deux mois ſur ſon ſein, elle ne ſe fut jamais attendrie ; mais Dieu mercy, elle ne ſe ſouvient plus de nos larcins ; Toute ſon attention n’eſt aujourd’huy qu’à mediter quelque fruit nouveau ; elle ſe couvre d’herbe molle, afin d’eſtre plus douce à nos pieds ; elle n’envoye rien ſur nos tables qui ne regorge de ſon lait ; ſi elle nous offre des Chenilles, c’eſt en guiſe de Vers à ſoye ſauvages ; & les Hannetons ſont de petits Oyſeaux qu’elle a eu ſoin d’inventer pour ſervir de joüets à nos enfans ; elle s’étonne elle-meſme de ſa richeſſe, elle s’imagine à peine eſtre la Mere de tout ce qu’elle produit ; & groſſe de quinze jours, elle avorte de mille ſortes d’inſectes, parce que ne pouvant toute ſeule goûter tant de plaiſir, elle ébauche des enfans à la haſte pour avoir à qui faire du bien. Ne ſemble-t’il pas en attachant aux branches de nos Foreſts des feüilles ſi toufuës, que pour nous faire rire, elle ſe ſoit égayée à porter un pré ſur un arbre ? mais parce qu’elle ſçait que les contentemens exceſſifs ſont préjudiciables, elle force en cette Saiſon les Febves de fleurir pour moderer noſtre joye, par la crainte de devenir foux ; c’eſt le ſeul mauvais