Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/31

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ment fait germer les fruits, les nouë & les groſſit ; mais il leur laiſſe une âpreté mortelle qui nous étrangleroit, ſi celuy de Juin n’y paſſoit du ſucre. Poſſible m’objectera-t’on que par ſes chaleurs exceſſives, il met les herbes en cendre, & qu’en ſuite il fait couler deſſus des orages de pluye ; mais penſez-vous qu’il ait grand tort (nous voyant tout ſalis du hâle) de nous mettre à la leſſive ? & je veux qu’il fût brûlant juſqu’à nous conſommer, ce ſeroit au moins une marque de noſtre paix avec Dieu, puis qu’autrefois chez ſon peuple il ne faiſoit deſcendre le feu du Ciel que ſur les Victimes purifiées ; Encore s’il nous vouloit brûler, il n’envoyeroit pas la roſée pour nous rafraîchir, cette belle roſée qui nous fait croire par ſes infinies goutes de lumiere, que le flambeau du monde eſt en poudre dans nos prez, qu’un milion de petits Cieux ſont tombez ſur la terre, ou que c’eſt l’ame de l’Univers, qui ne ſçachant quel honneur rendre à ſon Pere, ſort au devant de luy, & le va recevoir juſques ſur la pointe des herbes. Les Villageois s’imaginent, tantoſt que ce ſont des poux d’argent tombez au matin de la teſte du Soleil qui ſe peigne, tantoſt la ſueur de l’air corrompuë par le chaud, où des Vers luiſans ſe ſont mis ; tantoſt la ſalive des Aſtres qui leur tom-