Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/32

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be de la bouche en dormant ; mais enfin quoy que ce puiſſe eſtre, il n’importe, fuſſent les larmes de l’Aurore, elle s’afflige de trop bonne grace pour ne nous en pas réjoüir ; & puis c’eſt le temps où la Nature nous met à meſme ſes treſors : Le Soleil en perſonne aſſiſte aux Couches de Cerés, & chaque épy de bled paroiſt une boulangerie de petits pains de lait, qu’il a pris la peine de cuire. Que ſi quelques-uns ſe plaignent que ſa trop longue demeure avec nous jaunit les feüilles aprés les fruits, qu’ils ſçachent que ce Monarque des Eſtoilles en uſe ainſi pour compoſer de noſtre climat le jardin des Heſperides, en attachant aux arbres des feüilles d’or auſſi bien que des fruits : toutefois il a beau dans ſon Zodiaque s’échauffer avec le Lion, il n’aura pas demeuré vingt-quatre heures chez la Vierge, qu’il luy fera les doux yeux, il deviendra tous les jours plus froid ; & enfin quelque nom de Pucelle qu’il laiſſe à la pauvre fille, il ſortira de ſon lit tellement énervé, que ſix mois à peine le gueriront de cette impuiſſance. Ô que j’ay cependant peur de voir croiſtre l’Eſté, parce que j’ay peur de le voir diminuer ! c’eſt luy qui débarraſſe l’eau, le bois, le metal, l’herbe, la pierre, & tous les corps diferens que la gelée avoit fait venir aux priſes ; il appaiſe