Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/36

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pour un ſeul fruit qu’Adam mangea, cent millions de perſonnes moururent qui n’eſtoient pas encore ; l’arbre meſme eſt forcé par la Nature de commencer le ſupplice de ſes enfans criminels ; il les jette contre terre, la teſte en bas ; le vent les ſecouë, & le Soleil les précipite. Apres cela, Monſieur, ne trouvez pas mauvais que je deſaprouve qu’on diſe, voila du fruit en bon eſtat. Comment pourroit-il eſtre, luy qui s’eſt pendu ſoy-meſme ? Auſſi à conſiderer comme les cailloux y vont à l’offrande, n’eſt-ce pas une occaſion de douter de leur innocence, puis qu’ils ſont lapidez à chaque bout de champ ; Ne voyez-vous pas meſme que les arbres en produiſant les fruits, ont ſoin de les enveloper de feüilles pour les cacher, comme s’ils n’avoient pas aſſez d’effronterie pour montrer à nud leurs parties honteuſes ? Mais admirez encore comment cette horrible Saiſon traitte les arbres en leur diſant Adieu : Elle les charge de Vers, d’Araignées, & de Chenilles, & tous chauves qu’elle les a rendus, elle ne laiſſe pas de leur mettre de la vermine à la teſte : Nommez-vous cela des preſens d’une bonne mere à ſes enfans ? & merite-t’elle que nous la remercions apres nous avoir oſté preſque tous les alimens utiles ? Mais