Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/38

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particulière d’eſtropier, & que pour les maux dont elle nous accablent, l’Hyver nous contraint de reclamer S. Jean, le Printemps S. Mathurin, l’Eſté S. Hubert, & l’Automne S. Roch, puiſque l’un cauſe le mal caduc, l’autre la folie, l’autre la rage, l’autre la peſte. Pour moy je ne ſçay qui me tient que je ne me procure la mort, de dépit que j’ay de ne pouvoir vivre que deſſous leur regne ; mais principalement de ce que la maudite Automne me paſſe tous les ans ſur la teſte pour me faire enrager : il ſemble qu’elle tâche d’embaraſſer ſes Sœurs dans ſes crimes ; car enfin, Monſieur, groſſe de foudre comme nous la voyons, n’induit-elle pas à croire que toutes enſemble elles compoſent un Monſtre qui aboye par les pieds ; que pour elle, elle eſt une Harpie affamée, qui mord de la glace pendant que ſa queuë eſt au feu ; qui ſe ſauve d’un embraſement par un deluge, & qui vieille à quatre-vingt jours, eſt ſi paſſionnée d’amour pour l’Hyver, à cauſe qu’il nous tuë, qu’elle expire en le baiſant : mais ce qui me ſemble encore plus étrange eſt, que je me ſois abſtenu de luy reprocher ſon plus grand crime, je veux dire le ſang, dont elle ſoüille depuis tant d’années la face de toute l’Europe ; car je le devois faire pour la punir de