Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/40

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à mon aiſe. Vous jugez bien que c’eft d’Arcueïl que je vous écris. Icy l’eau conduite en triomphe, marche en haye d’un Regiment de pierres : on luy a dreſſé cent Portiques pour la recevoir ; & le Roy la jugeant fatiguée d’eſtre venuë à pied de ſi loin, envoya l’appuyer de peur qu’elle ne tombât. Ces excés d’honneur l’ont renduë ſi glorieuſe, qu’elle n’iroit pas à Paris, ſi l’on ne l’y portoit : s’eſtant morfondue d’avoir ſi long-temps couché contre terre, elle s’eſt fait dreſſer un lit plus haut ; & l’on tient par tradition que cét Aqueduc luy ſembla ſi pompeux & ſi beau, qu’elle vint d’elle-meſme s’y promener pour ſon plaiſir : Cependant elle eſt renfermée entre quatre murailles ; ſeroit-ce qu’on l’euſt convaincuë de s’eſtre jadis trouvée en la compagnie de celle de la mer pendant quelque naufrage ? Il le faut bien : car la Juſtice eſt icy tellement ſevere, qu’on y contraint juſqu’aux Fontaines de marcher droit ; & l’air de la Ville eſt ſi contagieux, qu’elles n’en ſçauroient approcher ſans gagner la pierre : Ces obſtacles toutefois n’ont point empêché qu’il n’ait pris à celle-cy une telle démangeaiſon de la voir, qu’elle s’en gratte demie lieuë durant contre les roches, il luy tarde qu’elle ne contrefaſſe l’Hypocrene entre