Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/43

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où les Fontaines volent, & où les Rivieres ſont ſi delicates qu’elles paſſent par deſſus des Ponts de peur de ſe moüiller : Ce n’eſt point hyperbole, car à conſiderer les grands Portiques ſur leſquels celle-cy va comme en triomple, il ſemble qu’elle ſe ſoit montée ſur des échaſſes pour voir de plus loin, & pour remarquer dans Paris les lieux où elle eſt neceſſaire ; ce ſont comme des arcs avec leſquels elle décoche un million de fleches d’argent liquide contre la ſoif : Tout à l’heure elle eſtoit aſſiſe à cul nud contre terre ; mais la voila maintenant qui ſe promene dans des galeries : elle porte ſa teſte à l’égal des Montagnes ; & croyez toutefois qu’elle n’eſt pas de moins belle taille pour eſtre voutée : Je ne ſçay pas ſi nos Bourgeois prennent cette Arche pour l’Arche d’Alliance, je ſçay ſeulement que ſans elle ils ſeroient du vieux Teſtament ; elle encherit en leur faveur au deſſus des forces de la Nature : Elle fait pour eux l’impoſſible, juſqu’à courir deux lieuës durant avec des jambes mortes qu’elle ne peut remuer. On diroit à la voir jallir en haut comme elle fait, qu’après avoir longtemps pouſſé contre le Globe de la terre qui peſoit ſur elle, s’en trouvant tout à coup déchargée, elle ne ſe peut plus rete-