Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/46

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naturelle & du bien & du mal ; & pour vous le montrer, c’eſt qu’on ne l’approche jamais qu’elle ne faſſe voir à l’œil la laideur ou la beauté de celuy qui la conſulte. À ſon âge pourtant, à cauſe que ſes traits ſont encore informes, on a de la peine à diſcerner ſi ce n’eſt point un jour de quatre pieds en quarré, ou bien un œil de la terre qui pleure : mais non, je me trompe, elle eſt trop vive pour reſſembler à des choſes mortes, c’eſt ſans doute la Reyne des Fontaines de ce Païs, & ſon humeur royale ſe remarque en ce que par une liberalité toute extraordinaire, elle ne reçoit viſite de perſonne qu’elle ne luy donne ſon portrait ; en recompenſe elle a receu du Ciel le don de faire des miracles ; ce n’eſt pas une choſe que j’avance pour aider à ſon panegyrique ; approchez-vous du bord, & vous verrez qu’à l’exemple de cette Fontaine ſacrée qui deïfioit ceux qui ſe baignoient, elle fait des corps ſans matiere, les plonge dans l’eau ſans les moüiller, & nous montre chez ſoy des hommes qui vivent ſans aucun uſage de reſpiration : Encore ne ſont-ce-là que des coups qu’elle fait en dormant ; à peine a-t’elle repoſé autant de temps qu’il en faut pour meſurer quatre ãjambées, qu’elle part de ſon Hoſtellerie,