Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/47

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& ne s’arreſte point qu’elle n’ait receu de Paris un favorable Regard. Sa premiere viſite c’eſt à Luxembourg : ſi-toſt qu’elle eſt arrivée, elle ſe jette en terre, & va tomber aux pieds de S.A.R. à qui par ſon murmure elle ſemble demander en langage de Ruiſſeau les Maiſons où il luy plaiſt qu’elle s’aille loger. Elle eſt venuë avec tant de hâte, qu’elle en eſt encore toute en eau ; & pour n’avoir pas eu le loiſir ſur les chemins de mettre pied à terre, elle eſt contrainte juſques dans le Palais d’Orleans d’aller au baſſin en preſence de tout le monde. Cependant elle a beau gronder à nos Robinets, & verſer des torrens de larmes pour nous exciter à compaſſion de ſa peine, l’ingratitude en ce temps eſt ſi prodigieuſe, que les alterez luy font la mouë ; quantité de Coquins luy donnent les Seaux, & tout le monde eſt ravy de la voir piſſer ſous elle ; l’un dit qu’elle eſt bien mal appriſe de venir avec tant de hâte ſe loger parmy des Bourgeois pour leur piſſer dans la bouche ; l’autre que c’eſt en vain qu’elle marche avec tant de pompe pour ne faire à Paris que de l’eau toute claire ; ceux-cy diſent, que ſon impudence eſt bien grande, d’allonger le col de ſi loin à deſſein de nous cracher au nez ; ceux-là, qu’elle eſt bien