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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/54

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cer le Ciel pour ſe joindre plutoſt à ſon amy : il y ſeroit déja ſans la Terre ſa Mere qui le retient par le pied. Phœbus en fait en récompenſe un de ſes vegetaux, à qui toutes les Saiſons portent reſpect. Les chaleurs de l’Eſté n’oſent l’incommoder, comme eſtant le mignon de leur Maiſtre : les gelées de l’Hyver l’apprehendent, comme la choſe du monde la plus funeſte ; de ſorte que ſans couronner le front des Amans ny des Vainqueurs, il n’eſt non plus obligé que le Laurier ou le Myrthe de ſe décoiffer quand l’année luy dit Adieu : Les Anciens meſme qui connoiſſoient cét Arbre pour le ſiege de la Parque, le traînoient aux funerailles, afin d’intimider la mort par la crainte de perdre ſes meubles. Voila ce que je vous puis mander du tronc & des bras de cét Arbre : je voudrois bien achever par le ſommet afin de finir par une pointe ; mais je ſuis ſi mal-heureux que je ne trouverois pas de l’eau dans la mer. Je ſuis deſſus une pointe, & je ne la puis voir à cauſe poſſible qu’elle m’a crevé les yeux : Conſiderez je vous prie comme pour échaper à ma penſée, elle s’aneantit en ſe formant, elle diminuë à force de croître, & je dirois que c’eſt une Riviere fixe qui coule dans l’air, ſi elle ne s’étreciſſoit à meſure