Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/65

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homme de former un Rouſſeau, de meſme qu’elle aſpire à faire de l’or en faiſant du mercure : car quoy qu’elle rencontre, un Archer n’eſt pas eſtimé mal adroit, qui lâchant trente fléches, en adreſſe cinq ou ſix au but : comme le temperament le mieux balancé eſt celuy qui fait le milieu du flegme & de la melancolie, il faut eſtre bien-heureux pour frapper juſtement un point indiviſible : Au deçà ſont les blonds, au delà ſont les noirs, c’eſt la raiſon qui fait que les Rouſſeaux blanchiſſent plus tard que les noirs, comme ſi la Nature ſe fachoit de détruire ce qu’elle a pris plaiſir à faire ; En vérité je ne vois jamais de chevelure blonde, que je ne me ſouvienne d’une touffe de filaſſe mal habillée ; mais je veux que les femmes blondes quand elles ſont jeunes ſoient agréables, ne ſemble-t’il pas ſi-toſt que leurs jouës commencent à cotoner que leur chair ſe diviſe par filamens pour leur faire une barbe. Je ne parle point des barbes noires : car on ſçait bien que ſi le Diable en porte, elle ne peut eſtre que fort brune. Puis donc que nous avons tous à devenir eſclaves de la beauté, ne vaut-il pas bien mieux que nous perdions noſtre franchiſe deſſous des chaînes d’or, que ſous des cordes de chanvre, ou des an-