Aller au contenu

Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/68

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allée de cinq avenuës, tous les Chênes qui la compoſent font admirer avec extaſe l’énorme hauteur de leurs cimes en élevant les yeux depuis la racine juſqu’au faiſte, puis les precipitant du ſommet juſques aux pieds, on doute ſi la terre les porte, ou ſi eux-meſmes ne portent point la terre penduë à leurs racines ; Vous diriez que leur front orgueilleux plie comme par force ſous la peſanteur des globes celeſtes, dont ils ne ſoûtiennent la charge qu’en gemiſſant. Leurs bras étendus vers le Ciel, ſemblent en l’embraſſant demander aux Etoilles la benignité toute pure de leurs influences, & les recevoir auparavant qu’elles ayent rien perdu de leur innocence au lit des Elemens. Là de tous coſtez les fleurs ſans avoir eu d’autre Jardinier que la Nature, reſpirent une haleine douce qui réveille, & ſatisfait l’odorat ; la ſimplicité d’une Roſe ſur l’églantier, & l’azur éclatant d’une violette ſous des ronces, ne laiſſant point de liberté pour le choix, font juger qu’elles ſont toutes deux plus belles l’une que l’autre. Là le Printemps compoſe toutes les Saiſons ; là ne germe point de plante venimeuſe que ſa naiſſance auſſitoſt ne trahiſſe ſa conſervation ; là les ruiſſeaux racontent leurs voyages aux cailloux ;