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Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/69

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là mille petites voix emplumées font retentir la Foreſt au bruit de leurs Chanſons, & la tremouſſante aſſemblée de ces gorges melodieuſes eſt ſi generale, qu’il ſemble que chaque feüille dans les bois ait pris la figure & la langue d’un Roſſignol ; tantoſt vous leur oyez gazoüiller un Concert, tantoſt traîner & faire languir leur muſique, tantoſt paſſionner une Elegie par des ſoûpirs entrecoupez, & puis amolir l’éclat de leurs ſons pour exciter plus tendrement la pitié ; tantoſt auſſi reſſuſciter leur harmonie, & parmy les roulades, les fugues, les crochets & les éclats rendent l’ame & la voix tout enſemble. Echo meſme y prend tant de plaiſir, qu’elle ſemble ne repeter leurs airs que pour les apprendre, & les ruiſſeaux jaloux grondent en fuyant, irritez de ne les pouvoir égaler. À coſté du Château ſe découvre deux promenoirs, dont le gaſon vert & continu, forme une émeraude à perte de veuë ; le mélange confus des couleurs que le Printemps attache à cent petites fleurs, égare les muances l’une de l’autre, & leur teint eſt ſi pur qu’on juge bien qu’elles ne courent ainſi après elles-meſmes que pour échapper aux amoureux baiſers des vents, qui les careſſent. On prendroit mainte-