Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/78

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engourdie. Il n’ouvrit ny la bouche ny les yeux, & dans ce profond ſilence, il me conduiſit à travers des mazures, ſous les effroyables ruines d’un vieux Château deſ-habité, où les ſiecles depuis mille ans travailloient à mettre les chambres dans les caves.

Auſſi-toſt que nous fûmes entrez : Vante-toy, me dit-il, (en ſe tournant vers moy) d’avoir contemplé face à face le Sorcier Agrippa, & dont l’ame (par metempſicoſe) eſt celle qui jadis animoit le ſçavant Zoroaſtre, Prince des Bactriens. Depuis prés d’un ſiecle que je diſparus d’entre les hommes, je me conſerve icy par le moyen de l’or potable, dans une ſanté, qu’aucune maladie n’a jamais interrompuë. De vingt ans, en vingt ans, j’avale une priſe de cette Medecine univerſelle, qui me rajeunit, reſtituant à mon corps, ce qu’il a perdu de ſes forces. Si tu as conſideré trois phioles, que m’a preſenté le Roy des Demons ignées, la premiere en eſt pleine, la ſeconde de poudre de projection, & la troiſiéme d’huille de Talc. Au reſte tu m’és bien obligé, puis qu’entre tous les mortels je t’ay choiſi pour aſſiſter à des Myſteres, que je ne celebre qu’une fois en vingt ans. C’eſt par mes charmes,