Page:Cyrano de Bergerac - Œuvres, 1676, volume 1.djvu/89

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un Païſan fort groſſier, qui n’a pas l’eſprit de ſe démêler des filets, dont on l’embarraſſe, à qui la grandeur du péril aſſomme l’entendement en telle ſorte, qu’il n’a plus l’ame aſſez preſente, pour ſe juſtifier, qui n’oſeroit meſme répondre pertinemment, de peur de donner à conclurre aux préoccupez, que c’eſt le Diable qui parle par ſa bouche. Si cependant il ne dit mot, chacun crie qu’il eſt convaincu de ſa conſcience, & auſſi-toſt le voila jetté au feu. Mais le Diable eſt-il ſi fou, luy qui a bien pû autrefois le changer en Chat, de ne le pas maintenant changer en Mouche, afin qu’il s’envole ? Les Sorciers (diſent-ils) n’ont aucune puiſſance, dés qu’ils ſon entre les mains de la juſtice. Ô par ma foy, cela eſt bien trouvé ; Donc Maiſtre Jean Guillot, de qui le pere a volé les biens de ſon Pupille, s’eſt acquis par le moyen de vingt mille écus dérobez, que luy couſta ſon Office de Juge, le pouvoir de commander aux Diables, vrayment les Diables portent grand reſpect aux Larrons. Mais ces Diables au moins devoient éloigner ce pauvre malheureux leur tres-humble ſerviteur, quand ils ſceurent qu’on eſtoit en campagne pour le prendre ; Car ce n’eſt pas donner courage à perſonne de le ſervir,