Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/115

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que tout de même qu’il n’y a pas tant de cailloux que de terre, ni tant de plantes que de cailloux, ni tant d’animaux que de plantes, ni tant d’hommes que d’animaux ; ainsi il n’y doit pas avoir tant de Démons que d’hommes, à cause des difficultés qui se rencontrent à la génération d’un composé si parfait. »

Je lui demandai s’ils étoient des corps comme nous : il me répondit qu’oui, qu’ils étoient des corps, mais non pas comme nous, ni comme aucune chose que nous estimions telle ; parce que nous n’appelons vulgairement « corps » que ce que nous pouvons toucher ; qu’au reste il n’y avoit rien en la Nature qui ne fût matériel, et que quoiqu’ils le fussent eux-mêmes, ils étoient contraints quand ils vouloient se faire voir à nous, de prendre des corps proportionnés à ce que nos sens sont capables de connoître, et que c’étoit sans doute ce qui avoit fait penser à beaucoup de monde que les histoires qui se contoient d’eux n’étoient qu’un effet de la rêverie des foibles, à cause qu’ils n’apparoissent que de nuit ; et il ajouta, que comme ils étoient contraints de bâtir eux-mêmes à la hâte le corps dont il falloit qu’ils se servissent, ils n’avoient pas le temps bien souvent de les rendre propres qu’à choir seulement dessous un sens, tantôt l’ouïe comme les voix des Oracles ; tantôt la vue comme les ardans et les spectres ; tantôt le toucher comme les Incubes et les Cauchemars, et que cette masse n’étant qu’un air épaissi de telle ou telle façon, la lumière par sa chaleur les détruisoit, ainsi qu’on voit qu’elle dissipe un brouillard en le dilatant.

Tant de belles choses qu’il m’expliquoit me donnèrent la curiosité de l’interroger sur sa naissance et sur sa mort, si au pays du Soleil l’individu venoit au jour par les voies de génération, et s’il mouroit par le désordre de son tempérament, ou la rupture de ses organes. « Il y