Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/224

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je lui fis signe que je m’en souviendrois. Par mille détours effroyables, j’arrivai enfin à la lumière, et puis dans la cour, où sitôt que je fus entré, deux hommes me saisirent, que d’abord je ne pus connoître, à cause qu’ils s’étoient jetés sur moi en même temps, et me tenoient l’un et l’autre la face attachée contre la mienne. Je fus longtemps sans les deviner ; mais les transports de leur amitié prenant un peu de trêve, je reconnus mon cher Colignac, et le brave Marquis. Colignac avoit le bras en écharpe, et Cussan fut le premier qui sortit de son extase. « Hélas ! dit-il, nous n’aurions jamais soupçonné un tel désastre, sans votre coureur et le mulet qui sont arrivés cette nuit aux portes de mon château : leur poitrail, leurs sangles, leur croupière, tout étoit rompu, et cela nous a fait présager quelque chose de votre malheur. Nous sommes montés aussitôt à cheval, et n’avons pas cheminé deux ou trois lieues vers Colignac, que tout le pays ému de cet accident, nous en a particularisé les circonstances. Au galop en même temps nous avons donné jusqu’au bourg où vous étiez en prison ; mais y ayant appris votre évasion, sur le bruit qui couroit que vous aviez tourné du côté de Toulouse, avec ce que nous avions de nos gens, nous y sommes venus à toute bride, Le premier à qui nous avons demandé de vos nouvelles, nous a dit qu’on vous avoit repris. En même temps nous avons poussé nos chevaux vers cette prison ; mais d’autres gens nous ont assuré que vous vous étiez évanoui de la main des sergens. Et comme nous avancions toujours chemin, des Bourgeois se contoient l’un à l’autre que vous étiez devenu invisible. Enfin à force de prendre langue, nous avons su qu’après vous avoir pris, perdu, et repris je ne sais combien de fois, on vous menoit à la prison de la grosse Tour. Nous avons coupé chemin à vos Archers, et d’un bonheur plus apparent que véritable,