Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/359

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je ne vous veuille apprendre la cause pourquoi je me suis rangé de votre parti. Vous saurez donc que c’est parce que je l’ai trouvé le plus juste, et parce qu’il est vrai que rien ne nous peut dispenser de l’obéissance que nous devons à notre légitime Souverain ; car bien que les Frondeurs nous en jettent des pierres, je prétends les refronder contre eux si vertement, que je les délogerai de tous les endroits, où leur calomnie a fait fort contre son Éminence. Les premiers coups qu’ont en vain tentés les Poètes du Pont-Neuf (304) contre la réputation de ce grand homme, ont été d’alléguer qu’il étoit Italien ; à cela je réponds (non point à ces Héros de papier brouillard, mais aux personnes raisonnables qui méritent d’être désabusées) qu’un honnête homme n’est ni François, ni Allemand, ni Espagnol ; il est Citoyen du monde, et sa patrie est partout. Mais je veux que Monsieur le Cardinal soit étranger, ne lui sommes-nous pas d’autant plus obligés, de ce qu’il abandonne ses dieux domestiques pour défendre les nôtres ? Et puis quand il seroit naturel Sicilien, comme ils le croient, ce n’est pas à dire pour cela qu’il soit vassal du Roi d’Espagne ; car l’Histoire est témoin que nos Lis ont plus de droit à la souveraineté de cet État que les Châteaux de Castille (305).

Mais ils sont très mal informés de son berceau ; car encore que la maison des Mazarins fût originaire de Sicile, Monsieur le Cardinal est né dans Rome ; et puisqu’il est Citoyen d’une Ville neutre, il a pu par conséquent s’attacher aux intérêts de la Nation qu’il a voulu choisir. On sait bien que le peuple à Rome, et les Nobles et les Cardinaux, s’attachent ainsi à la protection particulière, ou d’un Roi, ou d’un Prince, où d’une République. Il y en a qui tiennent pour la France, d’autres pour l’Espagne, d’autres pour d’autres Souverains, et son Éminence embrassant le bon droit de notre